Cercle de compostage du deuilInterview avec Azul Thome par Edith Rolland D’où vient qu’on partage volontiers ses joies mais qu’on cantonne généralement ses peines à des tête-à-tête avec son thérapeute ? Pourrait-on envisager nos différentes émotions comme une biosphère riche de sa diversité ? Le rituel de compostage du deuil a cette vocation : recycler collectivement nos souffrances pour en faire une matière symbolique nourricière. Et ainsi grandir en sagesse et passer du stade d’adulte au statut d’aîné. Il y a un an, dans le prolongement de la sortie du film Et je choisis de vivre 1 , Nans et le chercheur et essayiste Pablo Servigne 2 ont fait venir d’Angleterre, où elle réside, Azul Thomé : « artiste, activiste de l’âme et tisseuse de rituels », ainsi qu’elle se définit elle-même. Pour lui demander de guider un « cercle de compostage de deuil ». Nous revenons vers elle aujourd’hui pour l’interviewer sur ce rituel. Parler le langage de l’âme Azul habite aujourd’hui littéralement parmi les racines des arbres : dans une cabane en bois à la lisière d’une forêt. Il y a des années, elle a vécu un burn out dévastateur. Ce sont les rencontres de ses maîtres et leurs rituels sacrés qui l’ont sauvée. Des décennies durant, elle a étudié auprès de Francis Weller, Sobonfu Somé ou encore Joanna Macy, puis, à 50 ans, elle a passé un master au Schumacher College.. Depuis, elle a fondé SOULand, « une école pour l’âme, dit-elle, qui initie les adultes que nous sommes aux sagesses universelles qui les feront métaphoriquement renaître en aînés ». Elle y crée des Cairns de Vie en hommage aux espèces disparues et y donne des enseignements sacrés tels que des rites de passage pour les femmes ou des cercles de compostage du deuil. On peut donc « composter » le deuil ? Depuis l’aube de l’humanité, le deuil est un moment de partage collectif. Le cercle de compostage du deuil englobe tous les deuils : ceux de nos proches mais aussi toutes nos douleurs non digérées. Ce rituel collectif offre un cadre accueillant et sécurisant pour les émotions provoquées par les deuils : colère, peur, tristesse, culpabilité, désespoir, engourdissement... « Il permet de traverser le mystère de ces émotions en se sentant vu, contenu, écouté et remercié pour le travail que l’on fait sur soi et qui va rejaillir sur ses proches et tout le vivant », explique Azul. Libérer notre être sauvage Le rituel complet – celui vécu par Nans et dont il témoignage en encadré - se déroule sur quatre heures avec un temps important passé dans l'obscurité totale, comme au sein d’un ventre ou d'un tas de compost. Il encourage l’émergence de « notre être sauvage et sensuel, autrement dit notre être naturel - et non pas féroce », ajoute Azul. Créer sa cérémonie de deuil |
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